Avant toute chose, je souhaite préciser que je parlerai ici uniquement des applications de type « cours complet », telles que Duolingo, Babbel, MosaLingua, Rosetta Stone, etc. Cet article ne concerne donc pas les applications « spécialisées », c’est-à-dire qui se concentrent sur un domaine particulier tel que mémoriser du vocabulaire ou pratiquer avec des locuteurs par chat ou vidéo.
Les points forts des applications d’apprentissage de langues
Les applications sont flexibles : elles permettent d’étudier la langue n’importe où, à n’importe quel moment, et pour la durée voulue, que ce soit cinq minutes par jour ou une heure. Elles sont souvent gratuites ou à prix abordables, et le contenu du cours est directement prêt : les utilisateurs n’ont pas besoin de préparer eux-mêmes leur apprentissage. Tous ces points rendent les applications très faciles d’utilisation.
Mais le plus gros avantage de ces applications, c’est leur aspect ludique : elles sont interactives, colorées, structurées de manière agréable, et souvent, elles prennent la forme de jeux. On parle de gamification.
« Gamification is the process of using game mechanics, elements, and principles and applying them to non-game contexts to engage users better. » (https://www.valamis.com/hub/gamification)
« La gamification consiste à utiliser des mécaniques, éléments et principes propres aux jeux et à les appliquer à des contextes d’autres natures pour impliquer plus les utilisateurs. »
Autrement dit, prenez un cours, donnez-lui l’aspect d’un jeu, et il sera nettement plus stimulant, motivant, satisfaisant. On s’assure ainsi la régularité d’apprentissage des utilisateurs, et par extension, leurs résultats. Cette forme rend l’apprentissage très attrayant et vous permet de pratiquer la langue de façon quotidienne.
Les applications sont souvent pensées de sorte à travailler à la fois votre compréhension et votre expression, l’oralité comme l’écriture ; les phrases présentées sont aussi prononcées, de sorte que vous puissiez vous familiariser avec les sons de la langue ; la grammaire est étudiée de manière indirecte, plus digeste pour l’utilisateur.
Enfin, les applications ont souvent une communauté avec laquelle discuter, poser des questions ; les commentaires laissés sous les leçons peuvent aider l’apprenant.
Les points faibles des applications
Je parlerai peu des problèmes techniques, bugs, mises à jour gênantes et autres publicités. Ce sont des désagréments, certes, mais qui n’empêchent en rien l’apprentissage.
De même, les limites du logiciel peuvent compliquer la tâche (ne pas pouvoir faire les révisions que l’on veut, seulement celles imposées ; être obligé(e) de refaire tout un cours pour pouvoir revoir un point de grammaire…), mais ce n’est pas le plus gros problème.
Certains utilisateurs regrettent qu’il y ait peu d’explications : une phrase produite sera notée incorrecte sans que l’apprenant puisse savoir pourquoi.
Mais le vrai problème, c’est qu’après avoir étudié avec ce type d’applications, les gens ne sont pas capables de parler.
Les applications sont faites de telle manière qu’elles vous donnent la sensation que vous progressez, que vous avez réussi à faire des phrases entières après seulement un jour, et qu’en plus c’était facile. C’est évidemment très motivant, mais tout ce qui est ainsi appris est oublié très vite si on ne l’utilise pas de manière réelle (cela vaut pour n’importe quel support d’apprentissage, applications de « cours complets » comme applications « spécialisées »).
La production active est très limitée : les applications se basent plus sur de la compréhension que sur une connaissance active. Par exemple, l’exercice sera de choisir la bonne réponse, ou encore de mettre dans le bon ordre les mots proposés, et non d’écrire soi-même une phrase sans aucun élément donné. Ces tâches faciles aident à s’habituer au fonctionnement de la langue, à sa syntaxe, mais pas à maîtriser personnellement la langue. Avec ce type de mise en pratique, vous n’êtes pas en mesure de mobiliser vos connaissances pour parler en situation réelle.
La production spontanée est quasiment inexistante : lorsque vous devez faire des phrases, on vous dit lesquelles. Alors, en situation réelle, lorsque vous n’aurez aucun support pour vous dire quelle phrase vous devez constituer, vous serez perdus. Vous tenterez de vous souvenir de phrases toutes faites étudiées dans la leçon 8, et vous devrez y réfléchir longuement pour les prononcer.
Les applications vous donnent un apprentissage borné à une situation bien délimitée et contrôlée. Même si vous avez des exercices oraux, vous ne vous retrouvez jamais dans une situation réelle de dialogue. Le dialogue est essentiel pour développer votre capacité à mobiliser la langue selon vos besoins. Vouloir savoir parler sans s’entraîner à parler, c’est comme vouloir savoir conduire sans s’entraîner à conduire. Or avec un programme, il n’y a jamais d’inattendu, jamais de conversation réelle où vous devez décider vous-mêmes quoi dire.
J’ai peu utilisé ce genre d’applications, alors pour m’assurer que mon opinion se vérifiait, je suis allée lire de nombreux commentaires d’utilisateurs de quelques grandes applications. Ce que j’en ressors est assez déprimant : dans le meilleur des cas, les gens disent que l’application est « bien pour l’apprentissage ». Mais personne n’écrit « Maintenant je parle la langue », « J’ai pu discuter dans la langue ». Absolument personne.
Typiquement, les commentaires ressemblaient à ceci : « J’utilise cette appli depuis deux ans, elle est [bien/géniale/addictive]. J’ai presque atteint le dernier niveau, j’aime les challenges avec des amis. J’ai tant de XP/d’étoiles/de points maintenant ».
En conclusion
Les applications proposant des « cours complets » sont de bons alliés pour apprendre une langue, elles sont des outils agréables et motivants ; il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas là d’une méthode auto-suffisante. Si votre but est de pouvoir réellement parler la langue, il vous faudra pratiquer de manière plus naturelle, plus réelle : parler avec des gens, pas juste dialoguer avec un programme.