Si vous demandez à quelqu’un au hasard quelle est la meilleure manière d’apprendre une langue, il vous répondra peut-être qu’il faut voyager ou vivre dans le pays où on parle la langue. C’est assez instinctif : on apprend notre langue maternelle par l’immersion.
Mais c’est une idée reçue, un mythe basé sur un amalgame : ces gens confondent immersion et voyage. Et ils ont à moitié raison : pour pratiquer une langue, il faut s’immerger. Mais s’immerger, ça ne veut pas forcément dire voyager.
D’un côté, on peut tout à fait voyager et ne pas s’immerger.
Prenez la situation suivante : vous faites vos valises, vous vous expatriez au pays X et emménagez dans un hôtel. Tous les jours, vous sortez faire des courses sommaires, manger ou boire un café, vous promener. Mais vous ne connaissez personne dans le pays X, et les seules fois où vous ouvrez la bouche pour parler, c’est pour dire « bonjour », « merci » et « au revoir » à la réception, à la caisse, au comptoir. Éventuellement « pardon » au pauvre autochtone dont vous venez d’écraser le pied. Avec aussi peu de communication, vous pouvez rester vivre dix ans dans le pays X, vos progrès seront insignifiants.
Ce qui compte, ce n’est pas réellement d’être quelque part, mais de parler. Vos progrès dépendront de votre pratique, et votre pratique, c’est la quantité de conversations que vous tiendrez chaque jour.
Une situation tout à fait opposée : vous allez au pays X pour étudier. Tous les jours, vous allez à l’université, les cours sont tous dans la langue X, vous parlez avec les professeurs, les autres étudiants, vous lisez et écrivez dans la langue X. Votre niveau de langue fera un bond : non seulement vous utilisez la langue à plein temps quotidiennement, mais en plus vous l’utilisez à un niveau plus complet : vous travaillez vos compétences académiques et non vos seules compétences conversationnelles. Ces compétences académiques requièrent une maîtrise plus grande de la langue, afin de lire de la littérature et des textes spécialisés, de parler de domaines spécifiques et/ou abstraits, autrement dit, d’employer la langue comme outil intellectuel. C’est nettement plus compliqué que de parler de la pluie et du beau temps. Idem si vous vous trouvez en situation professionnelle.
Voyagez donc, mais en gardant ceci à l’esprit : ce qui déterminera vos progrès, ce n’est pas votre localisation géographique, mais votre activité sociale. Rencontrez beaucoup de personnes, soyez actif, et vous progresserez.
À l’inverse, on peut parfaitement s’immerger sans voyager.
L’immersion linguistique, c’est quoi ? C’est entendre parler la langue, la parler soi-même, la lire, l’écrire. Et ça, on peut le faire n’importe où. Prenez du recul et demandez-vous quels usages vous faites de votre/vos langue(s) maternelle(s) : avec qui parlez-vous ? Que lisez-vous ? Quand écrivez-vous ? Quel type de musique écoutez-vous ?
Vous pouvez mettre votre smartphone, votre GPS, vos applications dans votre langue-cible ; vous pouvez lire des articles ou de la littérature dans la langue ; vous pouvez trouver des correspondants, sur internet ou dans votre ville (cherchez des associations du pays qui vous intéresse) ; vous pouvez écouter des chansons dans la langue ; vous pouvez prendre des notes ou écrire vos pensées dans la langue ; vous pouvez regarder des séries, des films, des vidéos YouTube dans la langue ; vous pouvez jouer à des jeux vidéos dans la langue, etc. Tout ce que vous faites dans votre langue maternelle est convertible à votre langue apprise – et c’est ça, une vraie immersion : être immergé(e) dans une langue, et non dans un pays.
En bref, voyagez si vous en avez l’envie et la possibilité, tout en recherchant des situations à haut potentiel communicatif, si votre but est de pratiquer la langue, et n’attendez pas de prendre l’avion/le train/le bus pour intégrer votre langue apprise dans votre vie : plus vous l’incluez dans votre quotidien, et plus vite vous l’assimilerez. Vous pratiquerez et progresserez dans votre apprentissage – pour cela, pas besoin de s’expatrier.